Ce vendredi 22 Janvier 2010 donc, j’avais rendez-vous, à la sortie du théâtre où je répétais, avec une personne que j’avais connue 43 ans plus tôt, que j’avais côtoyé durant quatre ans et dont je n’avais gardé aucun souvenir ! ça c’est pour faire court ! Synthétiser, comme « Ils » disent.


Bien sûr, nous avions déjà dialogué sur Facebook, pour se rafraîchir la mémoire, et vue nos trombines sur des photos actuelles, mais franchement, allez reconnaître quelqu’un que vous avez connu à l’âge de 7 ans et ce jusqu’à l ‘âge11 ans et que vous n’avez pas revu depuis trente-neuf années, en plus, excuses-moi Jean-Marie , avec presque plus de cheveux, contrairement à moi, qui suis resté jeune et chevelu, hein ? disons le, hein… Ben là franchement, sans vouloir couper les cheveux en quatre, ça décoiffe !


Et donc, ce n’est pas sans une certaine appréhension, que j’attendais mon ami d’enfance ce Vendredi 22 Janvier 2010, devant le théâtre, du Lucernaire à paris, par cette froide journée d’hiver.


Ça c’est pour faire un peu de style…


J’avais auparavant appris, en dialoguant sur face book donc, que nous étions partenaires de jeux, dans la cour, notamment  quand nous remettions en scène les films que nous avions vu, le jeudi après midi, à la séance de cinéma que nous offrait cette pension, un des rares moments de bonheur et d’évasion durant cette période…


J’appris aussi que, tout comme moi, il était devenu comédien, et qu’il était venu s’installer à Paris dix ans auparavant, sensiblement à l’époque où moi-même je quittais la Capitale.


J’appris enfin qu’il avait également gardé de cette époque un sentiment d’amertume, tiraillé entre les sensations de bonheur et de fraternité que nous nous créions nous-même pour pouvoir supporter cet enfer où nos parents nous avaient envoyés, et celles de souffrances  que nous subissions dans cet endroit, où trop tôt, nous avions dû abandonner notre âme d’enfant, pour pouvoir simplement survivre.


Et puis tu es arrivé… Il y avait en toi quelque chose de familier… Nous avons commencé à parler comme si nous ne nous étions jamais quittés, comme si ces quarante années n’avaient jamais existées, comme si un lien invisible et indestructible nous avait uni pour la vie.


Et plus tu parlais, plus j’avais l’impression que nous avions sensiblement vécu sinon les mêmes vies, en tous cas de la même façon, avec ce trait de caractère, sans concessions, ferme, abrupte même, rebelle mais toujours sincère et fidèle, commun à la plus part d’entre nous qui avait été envoyés dans cette prison pour enfant que l’on appelait hypocritement un pensionnat… Le Serverin .


Et tu parlais, et je me suis souvenu en effet, sans toujours pouvoir mettre un nom ni un visage, de ce petit garçon toujours puni, en classe comme en récréation, souvent au piquet, debout nous tournant le dos au fond de la salle, de ce petit garçon renfermé qui dessinait si bien, de cette enfant triste que nous laissions seul, avec quelques autres camarades, pour les vacances de la toussaint, de noël, de pâques et d’été… Car nous… Nous avions au moins « la chance » de rentrer chez nous pendant ces vacances scolaires et de laisser pour un temps cette prison d’enfant, où nos parents certainement inconscients de notre quotidien, nous avaient abandonné.


Et tu parlais et nous nous sommes remémorés, les punissions corporels, le père Delhomme que l’on nommait le « surgé », les pions Mondière et le père Isoire, surnommé Zozo où Picrate. Ça ne s’invente pas. Nous disions toujours « le père untel », alors qu’il n’était pas curé, comme le père Michel que nous avions en cm1 et cm2. Nous métrerions tout ça dans un film, que l’on ne nous croirait pas ! On dirait : « ho ils exagèrent… C’est de la caricature ! »

Nous nous sommes rappelés comment pour exister nous nous étions créé un univers imaginaire, dans lequel nous étions des prisonniers durant la seconde guerre mondiale, face à nos geôliers allemands, tel Steve Mc Queen dans la grande évasion.


Nous avions cette même impression bizarre, indescriptible, ambivalente, dans laquelle se mêlaient plusieurs sentiments contradictoires, Le Malheur créé par la rudesse, la dureté de cet endroit sombre et inhumain qui n’apportait que de la souffrance, et la force de nos jeux d’enfants rebels, défiants les pions, l’autorité suprême, et qui nous apportait le bonheur indispensable, nous permettant malgré tout de nous sentir vivre et de tenir.


Et nous avons ri ! Comment aurions nous pu imaginer, que d’évoquer «Serverin», quarante ans plus tard, nous apporterait tant de joie dans ce que nous pouvons appeler une veillée de frères d’arme… D’anciens combattants. Nous avons ri de nos conneries, et je ne suis souvenu ! aussi !

Je me suis souvenu aussi que ça avait été pour moi, à la fois une période douloureuse, car on m'avait mis là bas pour que mon grand frère ne pleure pas, mais aussi une période qui m'a apporté beaucoup de choses, et certainement ma force de caractère, ou plutôt certain dirait, mon mauvais caractère. Je me souviens y avoir appris à développer des photos, fait du judo, du footing presque tous les matins, mes première scènes de théâtre et c'est en effet à ce moment que j'ai eu envi de devenir comédien, et aussi de nos jeux dans la cour où on imaginait de nombreux scénarios.


Je me souviens avoir effrayé involontairement tout le petit dortoir en racontant à mon petit frère, des histoires de vampires qui se trouvaient au château de Vertrieu, et du jeune pion complètement dépassé qui n'arrivait pas à faire intégré le dortoir des petits par ceux-ci qui restaient obstinément dans l'escalier en bloquant toute circulation, et du pion donc, qui pour les rassurer, hurlait désespérément : "Mais je vous dit que ça n'existe pas les Vampires!!!!!". Histoire de vampire qui se transforma par la suite en extra terrestre


Je me souviens aussi de cette solidarité, face au pions, Delhomme le surgé, qui nous surveillait du haut de sa tour, Izoire dit picrate, toujours bouré, et du pion Monsieur Mondière, dont tu m’a rappeler le nom et qui nous faisait faire du Judo. Je me souviens de Patrick Kalagopian, que je voyais aussi à Lyon et dont j'ai perdu la trace quand je suis parti dans le sud avec mes Parents... De Duke Lédé qui est le seul avec qui je suis resté en contact et de qui j'ai monté la pièce en 1998. Enfin, je me souviens de ce sentiment d'emprisonnement et de cette impression de vivre intensément chaque minute. Je me souviens du dernier car qui m'emportait définitivement loin de cette pension moyenâgeuse, et dans lequel j'ai eu alors l'impression de perdre quelque chose de proche. Ça  doit être ça le syndrome de stockholm !

En fait cette tristesse qui m’envahissait ce n’était pas du fait de perdre le Serverin, mais plutôt d’avoir perdu mon enfance et de perdre aussi ce jour-là, la plupart de mes frères d’arme que je ne reverrai probablement… Jamais !


Décidément ce vendredi 22 janvier 2010 était un grand jour, et je te remercie, mon ami, oui « Mon Ami » Jean-Marie Godet, d’avoir été présent pour me rappeler tout ça. Maintenant nous allons rattraper le temps perdu.


Je vous remercie Pascal Gasquez  et David di Natale de m’avoir retrouvé et mis en contact avec Jean-Marie. Allez je ne t’en veux pas, David,  d’avoir pomper sur moi, envoies-moi seulement ton adresse que je puisse t’y faire parvenir une facture.


Merci aussi à toi Pascal Gasquez, d’être toujours là, présent. Je pense que tous, je ne sais pas encore comment, nous allons bien réussir à en retrouver d’autres et à se revoir ensemble, pour enterrer définitivement le spectre du Serverin qui était en fait, le Vampire du Château de Vertrieu !



Gilles Ikrelef

À Suivre…

Ben si… Ils ont essayés !

c’est moi

Jean-Marie Godet

avec lui aussi

mais ils n’ont pas plus réussi !

Monsieur Michel avec à gauche Pascal Gasquez

Comme ils ont l’air sage

Le château des Vampires !

Effrayant non?


Voyez j’avais raison…

Comme ils ont l’air heureux ! Ha oui j’oubliais… le sourire était obligatoire!